Histoires extraordinaires sur les points diacritiques arabes
Histoires extraordinaires
sur les points diacritiques arabes
Al Djahîz (Kitab
al Hayawâne) et Abu al-Faradj al Isfahâni (Kitâb al Aghânî) rapportent
que le Calife Hichâm bnou Abd al-Mâlik écrivit au gouverneur de Médine pour lui
demander de recenser les chanteurs et les danseurs qui égayaient cette ville.
Conformément à l’usage de cette époque, les points diacritiques (qui différencient
entre les lettres) ne sont que rarement portés sur les tracés consonantiques
arabes (rasm). Le secrétaire du Calife avait donc écrit ihci احصى un verbe arabe qui veut simplement dire compter, recenser. Or, le
secrétaire du gouverneur, en lisant le mot, avait compris ikhcî اخصي ce qui
veut dire castrer, émasculer. Il avait en effet fait une fausse
lecture en supposant tout bonnement un point sur la lettre h ح , point que l’usage négligeait
de noter. A la place de ihcî (compter, recenser), il avait donc lu ikhcî
(castrer, émasculer). Le gouverneur exécuta alors ce qu’il croyait être l’ordre
du Calife. Il lance ses soldats dans les rues de la ville, procède à
l’arrestation de tous les chanteurs et danseurs et les châtre de la manière la
plus tragique !
Morale : si le secrétaire du gouverneur a mal lu,
les commentateurs et les copistes du Coran peuvent eux aussi mal lire (misreading), et c’est cela l’hypothèse de Luxenberg… Mais les erreurs des
commentateurs et des copistes peuvent encore être plus tragiques que celles des
secrétaires ;-)
Le poète al-Farazdaq adressa un jour une missive au
gouverneur de Sind le priant de renvoyer à Basra un homme qu’il avait enrôlé de
force dans son armée. Cet homme s’appelait Hunays, ce qui était écrit dans
l’arabe de l’époque ainsi حنيس Les points sur le h ح, le y ي , le n ن et le s سn’étaient évidemment pas portés. Le gouverneur de Hind
procéda alors à un véritable déchiffrement de l’énigme de ces lettres non
accompagnées de points diacritiques : il lut alors hunays حنيس , djunays جنيس , hubaych حبيش , djubaych جبيش , etc. Il finit par démobiliser six
hommes au total, dont les noms correspondaient aux différentes manières de lire
cette graphie, au lieu d’un seul ! (A la place d’un seul individu, il
renvoie donc à Basra un groupe de six soldats).
Morale : Luxenberg n’a rien
inventé en la matière, il fait ce que le gouverneur du Sind faisait aux temps
d’al Farazdaq ;-)
Naravas