Introduction à l'histoire de l'islamisme algérien (deuxième partie)
Que s’est-il passé en Algérie ?
Introduction à l’histoire de l’islamisme algérien
deuxième partie
« C’est une grève de tout le peuple qui est déterminé à faire cesser l’arbitraire (…) c’est une protestation et un refus généralisé contre le pouvoir en place et l’expression pratique de cela. La grève générale doit demeurer jusqu’à ce que succombe le régime et que se substitue à lui un régime islamique » (Saïd Makhloufi, La désobéissance civile, cité par Khelladi, p. 23)
IV) L’ETAT ISLAMIQUE PAR L'INSURRECTION
La période qui va de la création du FIS à l’annulation des élections
législatives en 1992, bien que courte, connaît comme une accélération de l’histoire.
Tout se passe comme si l’essentiel reposait sur un travail d’endoctrinement et
de prosélytisme quotidiens dirigé envers une population désorientée par trois décennies
d’incurie et de mauvaise gouvernance
Le parti islamiste, à la différence des autres, a su faire
preuve d’une stratégie et d’un sens politique remarquables, tirant notamment
profit du laxisme des autorités et de l’effondrement des capacités critiques
dans le tissu social. L’Etat comprend en son sein de fortes sympathies
islamistes tandis que le corps social est conquis par une révérence inexpliquée
envers le sacré et ses représentants terrestres autoproclamés. Aussi, bien que
revendiquant l’abolition de la démocratie, le FIS est légalisé aussitôt après
le dépôt de sa demande d’agrément, le 6 septembre 1989. Pourtant, à cette légalisation
s’opposait clairement l’article 5 de la constitution (du 23 février 1989) qui
stipule qu’un parti ne pourrait être fondé sur des bases « exclusivement
confessionnelles ».
Cette légalisation est voulue entre autres par Mouloud
Hamrouche, le nouveau chef du gouvernement désigné par Chadli pour mener à bien
les réformes : nous avons légalisé le FIS parce que « nous sommes sûrs de nos
arguments et de nos moyens » déclarait-t-il.
1) Les voies de la fanatisation des foules
Pour propager son idéologie, la mouvance islamiste a compté sur le personnel de l’éducation dont beaucoup d’enseignants lui sont acquis. Elle s’est appuyée surtout sur un nombre incalculable d’organisations écrans, notamment des associations de bienfaisance (al irchâd, al ihsân, al islah) et des associations culturelles, pour courtiser les pauvres, les désoeuvrés, les adolescents, etc. et les gagner à sa cause. Près de 900 associations vivant sur le dos du contribuable lui sont inféodées, et plus de 12 000 mosquées lui offrent des tribunes irremplaçables. Les islamistes « colonisent » progressivement les lieux de culte, en transformant la prière du vendredi en redoutable rassemblement politique en faveur de la solution islamique et de la désobéissance civile.
Les masses accourent entendre les rudiments du catéchisme intégriste et apprennent que eux, les Damnés de la terre, les laissés-pour-compte, ont avec eux l’appui du Tout Puissant. Ils apprennent que le Taghout (Tyran), le pouvoir tyrannique qui les opprime, à l’image du Pharaon, ne résistera pas à l’avènement de l’Etat Islamique. La solution à leur misère, c’est Dieu ; Lui seul saurait les tirer de l’injuste et horrible condition où les a abandonnés le « système ». Au sein d’une société encensée de mythes et traversée par des attentes eschatologiques, sur un terrain déjà travaillé par le millénarisme, le nationalisme, et les idéologies moyen-orientales, le FIS a su mobiliser les tendances les plus irrationnelles du fonds social algérien. Dans les quartiers, c’est une sociologie de secte qui s’installe : des bandes d’islamistes volontaristes forment ou prennent d’assaut les comités de quartier existants et donnent l’exemple en prenant en charge les affaires communes. En contrepartie, ils instaurent petit à petit une surveillance morale et une police des mœurs, imposant le hijab (voile) et appelant les alcooliques, les dissidents et les révoltés à rejoindre le « droit chemin ». De jeunes militants du FIS approchent en ambassadeurs de la foi toute personne dont la conduite leur parait s’écarter des canons de la morale dite désormais « islamique ». Les différentes formes de « révolte » sociale (délinquance, vol, banditisme, alcoolisme, etc.) sont recyclées, réorientées contre le pouvoir et légitimées dans le cadre de la doctrine religieuse. Dans certains quartiers « chauds », se sont constituées des cellules d’islamistes armés de chaînes à vélo et de gourdins, qui se sont donnés pour mission de réprimer les « mauvais comportements » et les manquements à la charia.L’arme fatale des islamistes est évidemment le prêche. L’activisme des imams ne tarde pas à donner des résultats inespérés. Des salles de prière sont improvisées un peu partout dans le pays. Dans la moindre petite mosquée, les intégristes chassent les tenants de l’islam traditionnel jugés timorés et alliés du pouvoir, pour prendre le relais avec un impressionnant impact en termes de propagande. De puissants haut-parleurs déchargent quotidiennement leurs vociférations sacrées sur une population de plus en plus envoûtée. L’adhésion au FIS est perçue comme une entrée dans l’islam, par rangs entiers (afouadjane, afouadja), comme dans le verset coranique. Prétendant tenir sa légitimité de Dieu, le parti de Madani fait vivre à ses adhérents un « remake » des premiers temps de la prophétie. Les Algériens sont conditionnés dans les rassemblements de masse où ils retrouvent à la fois une solidarité, une occasion de spectacle, une psychologie de stade et une expérience collective et partagée de la présence salvatrice de Dieu. Le parti islamiste prend pour slogan un verset coranique « vous avez été au bord d’un abîme de feu et le Seigneur vous a sauvé ». Le salut qu’il promet à ces adeptes n’est en effet rien qu’un salut éternel dans l’Au-delà.
2) Incidents graves et méthodes d’extrême droite
Parti en perpétuelle campagne de propagation de la foi, le FIS investit progressivement l’ensemble des espaces sociaux. Les procédés de ses militants vont du conseil bienveillant à l’usage pur de la violence, en passant par l’endoctrinement, l’instigation et la menace. Aussi, sur le terrain, il n’est pas rare que cet activisme se traduise par tout un ensemble d’actes contraires à la Loi (mais conformes à l’idéologie sacrée dont les fidèles sont abreuvés). Ses démonstrations publiques sont émaillées d’incidents graves, semblables à ceux de l’extrême droite en Europe. En se donnant pour objectif de prêcher le bien et de pourchasser le mal, les islamistes n’hésitent pas à en découdre avec les récalcitrants. Des salles de cinéma furent fermées de force à Alger, sous prétexte que les jeunes y voient des scènes osées (comme les baisers), non conformes avec la « morale islamique ». Des spectacles furent brutalement interdits. De jeunes filles furent vitriolées parce qu’elles ne portaient pas de hijab. Des manifestations culturelles ou des soirées musicales furent annulées parce que juges illicites. Agressions et intimidations se multiplièrent contre ceux qui ne partageaient pas les idées du nouvel ordre islamique.En juin 1989, des campagnes de « purification » des quartiers sont déclenchées par les militants islamistes. Dans un quartier de Hassi Messaoud (Sud), une pétition de 197 signataires est adressée aux autorités municipales accusant trois femmes de « prostitution » pour le motif qu’elles vivent seules, c’est à dire sans présence masculine. Après un harcèlement de plusieurs semaines visant à les faire partir, un groupe de barbus décide de passer aux méthodes radicales. Pendant la nuit du 21 au 22 juin 1989, après une réunion de délibération, ils se dirigèrent vers le domicile de « Oum Ali », l’une de ces femmes, pauvre et illettrée. Pour « purifier » le lieu, ils mettent le feu à l’appartement de la victime. Son enfant de 3 ans, handicapé, périt dans les flammes. Interpellés, les islamistes ne nieront pas leur crime. Ils reçoivent le soutien de leurs acolytes qui manifestèrent pour les libérer. Il est difficile d’apprécier l’ensemble de ces incidents, qui ne sont pas à ma connaissance recensés dans les livres (ces derniers sont souvent centrés sur les grandes questions politiques). Un dépouillement des archives et une collecte de témoignages auront beaucoup de choses à nous apprendre. Mais dés cette époque, il apparaît clairement aux clairvoyants que « le projet intégriste est porteur d’une réelle menace de déflagration sociale » (Mimouni, p. 165).
3) Une première victoire : les municipales de juin 1990
La stratégie graduelle du numéro un du FIS, Abassi Madani, consiste à faire pression sur le pouvoir afin d’organiser des élections, d’abord municipales, ensuite législatives, enfin présidentielles. « L’état du Califat » serait alors instauré, une bonne fois pour toutes, (et le monde musulman se remettrait de l’affront infligé par Atatürk). Quant à Benhadj, il incline nettement vers le djihad.
De l’autre côté, le gouvernement algérien, mené par Mouloud Hamrouche, croit pouvoir faire un chantage aux caciques (conservateurs) du régime en brandissant la menace du FIS, afin de les amener à accepter les changements et les réformes « libérales » qu’il conduit. Un ordre est donné pour ne pas importuner les militants de Dieu, quoiqu’ils fassent. C’est dans ce climat que le parti islamiste réclame et obtient la tenue d’élections municipales anticipées. Au cours de sa campagne, lors d’un rassemblement au stade du 5 juillet, il abuse de la crédulité de ses militants en projetant au moyen d’un laser le nom d’Allah dans le ciel. On a vu des militants s’évanouir sous l’effet du « miracle ». Bref, le 12 juin 1990 eurent lieu les premières élections pluralistes algériennes. Le FIS les remporte sans surprise, démocratiquement et haut la main : 54 % des suffrages exprimés, soit 856 communes (APC), et 32 wilayas (sur 48 APW). Les démocrates obtiennent des scores dérisoires et comprennent leur insignifiance. Saïd Sadi (RCD) déclare : « je me suis trompé de société »…Aussitôt ces élections gagnées, le FIS demande la tenue d’autres élections, législatives. Les communes (dites APC, Assemblées Populaires Communales) administrées par lui vont connaître un autre mode de « gestion ». Le paysage graphique va changer radicalement : apparaissent des plaques et des écriteaux APC islamique, marché islamique, café islamique, etc. La mixité est supprimée partout où c’est possible, dans les bus, dans les salles d’attente, sur les trottoirs. Les cinémas sont fermés ou censurés. Les sports sont interdits ou drastiquement limités pour les femmes. L’ordre moral est assuré par les milices de barbus armés de bâtons, à l’affût du vice et des transgressions de la vertu. Cette victoire a une signification claire : elle impose le FIS en tant que force prépondérante de l’islamisme algérien face à ses rivaux (comme la Rabita d’Ahmed Sahnoun ou le Hamas de Nahnah). Elle lui confère une légitimité démocratique qui le fera triompher sur la scène politique et dans l’opinion nationale et mondiale.
4) La première guerre du Golfe
Le 2 août 1990, l’Irak envahit le Koweït et déclenche une guerre du Golfe. Les médias américains, CNN en premier, exagèrent la force irakienne et créent un suspense irréel sur l’issue du conflit qui s’annonce. Le FIS, après bien des hésitations, cède à la pression de sa base qui voit en Saddam Hussein un nouveau Saladin capable de délivrer Jérusalem (El Qods). Il soutient donc l’Irak, appelle au boycott des produits provenant des pays engagés dans la coalition. Il demande aussi au pouvoir de ne pas exporter le pétrole vers ces pays et se met à récolter du sang destiné aux combattants irakiens.
Par ailleurs, voyant dans ce conflit une « agression contre la nation musulmane toute entière », le FIS organise un meeting de soutien à la Palestine et au « camp musulman » avec la participation de personnalités islamistes internationales, dont le frère et la mère de l’assassin d’Anouar Sadate (Labat, p. 114). Le cheikh Sahnoun appelle à cette occasion au djihad pour libérer la Palestine. Ali Benhadj appelle de ses voeux la création à partir de l’Algérie d’un état islamique sans frontières, première étape avant de lancer le djihad contre les ennemis de la Palestine.
Après le déclenchement de la guerre (17 janvier), le discours du FIS se radicalise. Ali Benhadj, revêtu d’une tenue militaire, conduit le 18 janvier 1991 une grande manifestation au ministère de la défense. Il remet une plate-forme au ministre (qui le reçoit en tenue civile) dans laquelle il demande des armes et l’ouverture de camps d’entraînement militaire pour ses volontaires qui souhaiteraient se rendre en Irak. Il réclame en outre la dissolution de l’Assemblée Populaire Nationale et accuse l’armée d’être incapable d’assurer la sécurité du pays. Malgré le refus du ministre, le FIS organise un entraînement pour ses volontaires. Quelques 300 Algériens répartis en deux groupes (Kataib al-Qods et ‘Ibad al-Rahmân) vont suivre une formation militaire et être envoyés en Irak, via Tunis et Amman. La rapidité de l’intervention alliée ne leur permettra pas de prendre part au combat mais leur retour en Algérie les met à la disposition du parti islamiste... Le 31 janvier, le FIS récidive en organisant une autre manifestation au cours de laquelle on réclamait l’instauration de l’Etat Islamique et on scandait « Chadli, ‘adou Allah » (Le président Chadli, ennemi de Dieu). La guerre du Golfe a été pour ce parti une occasion de mobilisation, de propagande religieuse et de dénonciation véhémente du régime. L’option de l’action armée a été aussi caressée, malgré le refus net de l’institution militaire.
5) La grève insurrectionnelle du FIS : mai- juin 1991
C’est l’un des tournants les plus décisifs de l’évolution politique de ces années. L’histoire s’est emballée en l’espace de quelques semaines. Le président Chadli avait annoncé la tenue d’élections législatives et son gouvernement rend publique la nouvelle Loi électorale. Sous prétexte de protester contre le découpage (électoral) injuste effectué par le gouvernement de Hamrouche et calculé pour favoriser le FLN (parti au pouvoir), le FIS appelle à une « grève politique » générale et illimitée, à partir du 25 mai.
En réalité, sous couvert de cette grève dite politique (illégale au regard de la loi), les leaders du FIS tentaient de mettre en application une méthode théorisée par Saïd Makhloufi (un des leurs) dans son opuscule La désobéissance civile, méthode qui vise à faire tomber le régime et à prendre le pouvoir directement par la rue (comme cela s’est fait en Iran). Dés le matin du 25, des foules envahissent les grandes places d’Alger (place des Martyrs, place du 1er mai, El Harrach, etc.). Le parti mobilise ses APC. Manifestations et slogans anti-pouvoir. La nuit, environ mille personnes ont décidé de camper sur les lieux : les dormeurs des places sont nés et la rue est occupée par les islamistes nuit et jour. C’est évidemment une action qui se déroule en dehors des lieux de travail : « terrible paradoxe que cette grève générale menée par tous les sans-emploi du pays derrière les islamistes du FIS » commente Khelladi (p. 26).
Dés le 26 mai, Benhadj prend la tête de 10 000 manifestants et tente une marche sur le siège de la télévision (prétend-t-il), sur la présidence de la république en réalité (située à côté). Alerté, des sections de CRS armés jusqu’aux dents lui barrent la route. Quand Abassi arrive pour calmer la foule, on lui répond aux cris de « Ya Ali, Ya Abbas, nahou chaïeb arras » (Ô Ali, Ô Abbas, évincez l’homme aux cheveux blancs (le président)). Pour mieux amplifier l’écho de la grève, les militants placent sur les balcons un système de sonorisation qui répercute les cris de la rue et des places. Les orateurs jettent l’anathème autant sur la télévision d’état que sur la « presse communiste » (presse indépendante) et leur substituent leurs propres informations, complètement délirantes, sur la grève : elle serait suivie de 70 à 100% dans la majorité des entreprises du pays, à 60 % en Egypte et en Tunisie, à 30 % à Marseille et à Stockholm ! Le pétrole ne coulerait plus au Sud de l’Algérie, les travailleurs de ce secteur auraient rejoint le FIS, tout comme l’auraient fait 800 soldats de l’armée.
Des milices s’improvisent un peu partout pour contraindre, par la force ou par le chantage, les
commerces et les boutiques qui restent encore ouverts pour baisser les
rideaux. Du côté de la résistance contre la grève, on note l’attitude
des commerçants, celle des enseignants et des étudiants de l’université
de Bab Ezzouar qui organisèrent une marche le 28 mai et enfin celle
d’un courageux étudiant, seul, qui a fait une grève de la faim devant
le restaurant Amirouche. Les partis politiques se taisent, à
l’exception de Louisa Hannoune du Parti des Travailleurs qui, « comme
un seul homme, a osé défier la peur »…pour soutenir de façon franche et
publique le FIS !
Les Allahou akbar (« Dieu est grand ») déchirent la capitale. Tandis que les rues sont occupées par les qamis et les barbes, tandis qu’Alger est devenue aux heures de prière une immense salle de mosquée, certains imaginent des procédés de plus en plus ingénieux. Ainsi, une « marche des taxis » est montée le 28 mai, 250 d’entre eux ont « défilé » de l’aéroport au centre-ville d’Alger dans un concert de klaxons assourdissant. Abassi et Benhadj, infatigables, n’ont pas cessé de haranguer la foule (qui atteint 40 milles manifestants le 30 mai). Les marches succèdent aux meetings. De zélés prédicateurs chauffent les militants : Abdelbaki Sahraoui, membre fondateur du FIS, appelle à faire tomber ce « régime du mal » et à lui « substituer un Etat Islamique » ; un autre estime que le fléau majeur de ce pays est la mixité, que seul l’Etat Islamique peut éradiquer.
Abassi déclare : « tout comme le colonialisme, ce régime n’a plus de raison d’être aujourd’hui. Il est mort. Le moment est venu de le changer ».
Les chants glorifiant le djihad résonnent d’un bout à l’autre de la ville. Pour elle nous vivons, pour elle nous mourrons scandent les partisans de la Dawla Islamiyya (Etat Islamique). D’incessants mouvements de foules ne cessent d’agiter la capitale. Benhadj clame que ses militants n’ont peur de rien et qu’ils sont prêts à rencontrer Dieu en martyrs.
Le chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche, calculateur incorrigiblement optimiste, pense que le mouvement lancé par le FIS allait s’essouffler et laisse faire l’insurrection. Lors d’une rencontre avec les responsables du FIS tenue le 29 mai, il les autorise à occuper quatre grandes places publiques à Alger. Les services de police n’ont fait jusque là qu’essayer de canaliser les foules en évitant les points sensibles. Or, la stratégie de pourrissement de Hamrouche s’avère catastrophique. Le pouvoir est de plus en plus débordé : il perd le contrôle de la capitale le 3 juin. La police intervient finalement pour disperser les attroupements. Hamrouche avoue son échec en remettant sa démission au président Chadli. « Le chef d’orchestre de la démocratisation du pays s’est brûlé les ailes en voulant manipuler le FIS » (Aoudia et Labat). La place est laissée à d’autres hommes, venus « avec d’autres méthodes ». Abassi menace de décréter le djihad si jamais l’armée intervenait.
En attendant, le FIS continue de mobiliser parmi les étudiants et les commerçants (qui baissèrent finalement les rideaux). Des islamistes d’al-Hidjra wa takfîr (cf. glossaire en bas) en tenue militaire, armés de barres de fer et de coutelas, commencent à faire leur apparition parmi les manifestants (au même temps que les « Afghans »). Les choses ont basculé la nuit du 3 au 4 juin, quand les unités de la gendarmerie sont allées déloger les dormeurs des places. Des affrontements sanglants ont eu lieu. Des dizaines de morts et des centaines de blessés sont enregistrés. Contre les grenades lacrymogènes, les manifestants répondaient par des cocktails Molotov, des pierres et divers objets lancés du haut des balcons. Des barricades sont érigées partout par les militants ainsi que des contrôles de la circulation. Des réseaux d’une incroyable solidarité se forment pour porter secours aux blessés et les soigner. De mystérieuses « voitures banalisées » s’arrêtent, tirent sur la foule, et repartent. Des policiers sont kidnappés et emprisonnés par les groupes d’al-Hidjra : ce sont là aux yeux de Benhadj et Madani les « prisonniers du FIS ». Les mosquées Essuna, Kaboul et Belcourt serviront de lieux de détention. Un détenu est particulièrement maltraité, puisqu’il est torturé : Bounouar Abdelkader, chauffeur du général Mohammed Lamari, qui a eu à être interrogé personnellement par Benhadj. Il semble donc qu’au matin du 4 juin, Ali Benhadj se considère en état de djihad. Il appelle les policiers à retourner les armes contre leurs supérieurs. « Les groupes d’El Hidjra (du moins ceux implantés à Alger) qui sont apparus 24h auparavant, relèvent indubitablement de [son] autorité » (Khelladi, p. 59). L’armée, de son côté, pousse à la nomination de Sid Ahmed Ghozali (« l’homme au papillon ») comme chef du gouvernement et décrète l’état de siège (4 juin) puis investit la rue et proclame le couvre-feu (6 juin).
Les leaders du FIS, par méfiance envers ce qui se trame, convoquent une réunion extraordinaire dont l’aboutissement fut un document d’une grande importance appelé « Le document en 22 points », signé (le 6 juin) de la propre main d’Abassi et Benhadj. Ce texte, bien que peu diffusé, exhorte les militants du FIS à affronter les soldats, à violer le couvre-feu, à déserter l’armée, à préparer « l’enlèvement de personnalités politiques » en cas d’arrestations dans ses rangs, et surtout à constituer « des groupes armés offensifs (…) dans les montagnes » et à « rejoindre les maquis ». C’est la première fois que les leaders du FIS cautionnent directement le recours à la violence. Après la démission de Hamrouche, Chadli avait entrepris des contacts avec le FIS sous la médiation d’Abdelaziz Belkhadem, président de l’APN (4 juin). Une entente tacite à l’avantage des islamistes a pu être dégagée. Elle aboutit le 7 juin à un accord entre le FIS et le nouveau chef du gouvernement. La quasi-totalité des revendications de Madani sont satisfaites et le cheikh, croyant avoir remporté une grande victoire, est venu annoncer la fin de la grève à la mosquée Essuna, après la prière du vendredi. Les leaders du FIS n’entendaient pas le bruit des bottes. L’armée occupait déjà le terrain et s’offusquait du laxisme du précédent gouvernement. Elle se donne désormais la mission de rétablir l’ordre et de démanteler les groupes paramilitaires (« Afghans » et Hidjra) apparus lors des manifestations. Elle s’emploie également à enlever l’inscription baladiyya islamiyya sur les frontons des APC pour la remplacer par la devise républicaine (« La révolution par le peuple et pour le peuple »). Au cours de ses opérations, de nombreuses caches d’armes sont découvertes dans les mosquées et les locaux tenus par le FIS. Les arrestations commencent parmi les militants. Madani et Benhadj menacent alors, une fois de plus, de recourir au djihad si l’armée ne rentre pas dans les casernes.
Au cours d’une conférence de presse restée célèbre (voir vidéo), Benhadj revendique et justifie la nécessité de prendre les armes et de n’obéir qu’au Coran. « Ils veulent nous faire peur pour qu’on ne prenne pas les armes, dit-il. Si c’est comme ça, je prends les armes, je prends la kalachnikov ! Ils veulent nous faire peur. [suivent deux versets coraniques] Je n’abandonnerai pas la Parole de Dieu pour suivre celle de [méprisables] humains ! [c-à-d la Loi] La parole de Dieu est prioritaire ! ».
Suite à ces propos, l’armée intervient, procède le 30 juin à l’arrestation de Madani, Benhadj et Guémazi (et tous les membres du comité de suivi de la grève) et les jette en prison. Pour justifier son acte, elle diffuse à travers la presse – comble du malheur – le document en 22 points, un véritable appel au djihad jusque là peu connu du public... Aussitôt après, dans un entretien au journal arabophone Al Khabbar, Saïd Makhloufi se prononce lui aussi pour le djihad (ce qui lui vaudra une radiation par la suite). Le général Nazzar, ministre de la défense, demande la dissolution du FIS, ce que refuse Chadli.
Plus que l’interruption du processus électoral, c’est cette grève qui va constituer un moment charnière dans la genèse du terrorisme islamiste en Algérie. C’est suite à la répression de cette grève et à l’arrestation de ses militants et de ses responsables qu’apparurent les premières dérives armées. La direction improvisée après l’emprisonnement de Madani et Benhadj sera sans aucune prise sur les islamistes radicaux qui commencèrent à préparer la logistique d’une guérilla contre les services de sécurité. Les premières cibles seront en effet les forces qui participèrent à répression. Le mélange détonant entre la violence d’état et le djihadisme va donner ses premiers fruits. Le déroulement des évènements de mai et juin (1991) est parsemé par les premiers signes d’un futur affrontement armé : du côté des islamistes, des policiers sont kidnappés, un homme est torturé, des agents de l’ordre sont tués ; du côté des services de sécurité, des militants sont torturés ou tués, des manifestants sont assassinés (« voitures banalisées »), etc. Ainsi, après seulement trois ans d’existence légale, les islamistes radicaux refusent la démocratie et optent pour le combat armé, alors qu’il a fallu près de 34 ans au mouvement national algérien pour prendre les armes contre le colonialisme ! Par ailleurs, le mouvement insurrectionnel initié par les responsables du FIS va permettre à celui-ci de découvrir sa force et de mesurer le degré de solidarité que les populations de tous les secteurs pouvaient lui témoigner. Les islamistes savent désormais qu’ils peuvent compter sur le soutien des leurs et d’une grande partie de la population en cas de nécessité. Pour les plus radicaux et les plus impatients d’entre eux, qui n’attendaient qu’une étincelle pour changer leur mode de lutte vers des méthodes plus violentes, la preuve est largement faite que ce pouvoir « impie » ne comprend que le langage des armes. Autrement, comment pouvait-il aller jusqu’à réprimer les militants « de Dieu » et à emprisonner leurs « saints » leaders ? Bref, cet épisode sera le premier acte de la tragédie algérienne.
V) L’ETAT ISLAMIQUE PAR LES URNES
Malgré la fin de la grève, des bandes de jeunes islamistes investissent la rue pour protester contre l’emprisonnement des chouyoukhs (c’est le nom accolés désormais aux deux leaders du FIS). L’agitation va continuer jusqu’à la première semaine de juillet. Privé des ses dirigeants, le parti islamiste improvise une nouvelle direction, sous la houlette d’un jeune technicien. Quant au pouvoir, il n’a plus d’autre idée que celle…d’organiser des élections législatives ! C’est la seule mission qu’aura le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali.
Le siège du parti islamiste est fermé et des arrestations massives ciblent encore ses rangs, responsables et militants. Certains sont rentrés dans la clandestinité et n’en sont jamais revenus. Les autres partis politiques et le peuple restent indifférents.1) Hachani ou le coup de force des djazaristes Une semaine après l’arrestation des leaders, le chef de file du courant djazariste (« algérianiste »), Mohamed Saïd, s’autoproclame porte-parole du parti (lui, qui n’était même pas adhérent !). Arrêté immédiatement par l’armée, c’est son ami Abdelkader Hachani, un ingénieur en pétrochimie ayant évolué sous l’ombre d’Abassi Madani, qui élabore une stratégie qui lui permet de s’emparer progressivement de la direction du FIS et d’évincer de ses structures la majorité des salafistes. Il ne restera plus à ces derniers, traqués par les services de sécurité et mis à la marge par les djazaristes, que l’expression armée. En favorisant l’accession de ce jeune ingénieur à la tête du FIS par l’arrestation de ses concurrents les plus sérieux, le pouvoir croit jouer la carte de « l’islamisme modéré ». Or, comme le verra, Hachani, a beau être un islamiste « moderne » et « urbain », il ne s’écartera jamais de la ligne tracée par Madani, auquel il voue une fidélité infaillible.
En attendant, il déploie sa ruse et organise un véritable putsch pour prendre les rennes du parti. Après une rencontre le 7 juillet, et fort du soutien de son équipe (« les 12 cooptés de Batna », dont font partie Rabah Kébir et Athmane Aïssani), il fait avaliser son plan au Congrès de Batna, tenu le 25 et 26 juillet. Il obtient notamment 1) l’élargissement de l’ancien Majless Echoura à d’autres membres du parti et à des personnalités islamistes extérieures (comme Mohamed Saïd); 2) l’exclusion de quelques éléments considérés comme « dissidents » (Zebda, Kerrar, Sahnouni) ou « ultras » (comme Kherbane et Makhloufi) ; 3) la liberté de constituer un Bureau Exécutif Provisoire. C’est ainsi que Hachani se trouve investi de la charge de porte-parole de ce bureau et place ses hommes au sein de l’exécutif. A la différence des « vieux turbans » aux propos djihadistes, ces derniers manifestent leur attachement à la modernité sans céder d’un iota sur la charia. Ils vont parfois jusqu’à prétendre être des démocrates… Débarrassé d’une bonne partie des opposants à Abassi Madani, le jeune leader technocrate proclame sa fidélité aux chouyoukhs et lance sa machine contre le pouvoir. C’est à un nouveau style politique que l’on assiste : on abandonne les discours grandiloquents pour des propos polémiques mais circonstanciés ; les critiques du pouvoir et les revendications sont précises (libération des chouyoukhs et des autres détenus, réintégration des grévistes licenciés, ouverture des médias, etc.). Le thème politique prédominant n’est plus une rupture avec le passé non conforme à la charia mais une réappropriation des valeurs de la Révolution algérienne, comprise à la lumière du Coran. On dénonce le FMI dans un gauchisme islamiste à peine voilé. La nouvelle élite du FIS va redonner vie à un parti mis à mal par la répression.
2) Les élections du 26 décembre 1991
Dés la fin de l’état de siège (4 octobre), le FIS s’est remis à ses habitudes : conférence des communes islamiques, rassemblements politiques dans les mosquées, meetings dans les stades et dans les villes du pays. Mais cette fois, sous la vigilance de la police. Sa campagne sera d’abord celle de la libération des détenus. Malgré son arrestation le 27 septembre, Abdelkader Hachani, libéré un mois plus tard, entreprend de convaincre les membres du Madjless Echoura réticents pour participer aux élections législatives prévues pour le 26 décembre. La question est en effet loin de faire l’unanimité. La réussite éclatante de la manifestation mémorable du 1er novembre, qui a rassemblé un nombre considérable de militants, va lui donner une longueur d’avance. Cette manifestation, où apparaissent des slogans en tamazight (berbère), a réservé pour les militants un moment d’émotion exceptionnel : un enfant de 7 ans, habillé en qamis, adresse à la foule des mots qui font immédiatement pleurer. C’est le fils d’Ali Benhadj, qui vient parler de Dieu et de la douleur où le plonge l’emprisonnement de son père. Les jours suivants, Hachani conditionne sa participation aux élections par une mesure d’apaisement de la part du pouvoir. Pourtant, il est très peu optimiste sur ses chances de succès, qu’il estime à 25 - 30 % des suffrages. Le gouvernement répond en libérant Mohamed Saïd le 28 novembre. Le même jour, soit cinq jours avant le début de la campagne électorale, un commando conduit par Aïssa Messaoudi, dit Tayeb al-Afghânî, attaque un poste militaire frontalier à Guémar et fait 19 morts (cf. plus loin). L’armée accuse le FIS mais celui-ci, embarrassé, crie au complot et fait comme si l’affaire ne le concernait pas. L’élargissement de Mohamed Saïd sera l’argument que va utiliser le nouveau responsable du FIS pour convaincre le Madjless Echoura. Celui-ci se prononce pour les élections le 14 décembre (seulement).
La campagne électorale sera intense et menée à un rythme d’enfer : rassemblements, meetings, interventions dans les médias, ventes de cassettes audio, expositions, prêches un peu partout, etc.Au cours d’un dernier meeting tenu le 23 décembre, Mohammedi Saïd, un ancien SS durant la 2nde guerre mondiale, ancien colonel de l’ALN durant la guerre d’indépendance, déclare devant 100 milles militants que le 26 décembre sera « le jour de la séparation entre les mécréants et les musulmans ». Il ajoute
« Nous sommes prêts, pour assainir ce pays et édifier l’Etat Islamique, à liquider deux millions de ses habitants » (Mohammedi Saïd, cité d’après Zerrouki, pp. 40-41)
Les démocrates étaient déjà sur le terrain, engagés dans la bataille électorale avec l’espoir que « le printemps d’Alger » accouche d’une nouvelle ère. Un homme avait pourtant tiré la sonnette d’alarme, El Hachemi Cherif :
« En appelant à voter ce 26 décembre, la classe politique toute entière, représentée ou non au pouvoir, commet un crime sans nom contre l'Algérie. A cause d’intérêts étroits et misérablement politiciens, elle veut faire croire que ces élections seront démocratiques. En réalité, ces élections sont le tapis rouge déroulé devant la dictature ultra-réactionnaire la plus noire de tous les partis intégristes... » (Confluences n° 25, Printemps 1998, p. 25)
Le 26 décembre, les résultats du premier tour des élections
législatives, pluralistes et démocratiques algériennes tombent comme un
couperet :
- Front Islamique du Salut 3 260 359 47.3% 188 sièges
- Front
de Libération Nationale 1
613 507 23.4% 15 sièges
- Front
des Forces Socialistes 510 661 7.4% 25 sièges
- MSP 368 697 5.3% 0 sièges
- RCD
200 267 2.9% 0 sièges
Nombre des électeurs : 13 258 554
Nombre de votants : 7 822 665
Nombre d’abstentions : 5 435 929
Nombre de bulletins nuls : 924 906
Victoire totale des islamistes ! Malgré une abstention importante, puisque près de la moitié des électeurs n’ont pas voté, le FIS, avec ses 188 sièges sur les 430 à pourvoir, a failli obtenir la majorité absolue ! C’est chose certaine pour le deuxième tour prévu courant janvier 1992, puisqu’il reste en ballottage favorable dans 135 circonscriptions. Même dans l’éventualité improbable où le FLN et le FFS remportaient à eux deux la totalité des sièges en ballotage, et quelque soit le score du FFS qui ne sera présent que dans 13 circonscriptions, le FIS est assuré arithmétiquement d’une majorité absolue au deuxième tour.
3) Entre les deux tours
Hachani, artisan de cette victoire, est littéralement abattu par un score aussi inattendu. Il fait un communiqué modéré pour célébrer son triomphe et fait part de l’intention de son parti de ne pas partager le pouvoir : « nous ne voulons pas d’une assemblée qui nous contraindrait à des alliances qui retarderaient nos projets d’état islamique » (Le Monde, 28 déc. 1991). De l’autre côté, les élites francophones, la « société civile », les cadres de l’armée et
de l’économie sont abasourdis. Les urnes ont accouché d’un monstre écrit la presse. Le scrutin s’est avéré « un plébiscite en faveur du Coran » (Aoudia et Labat). Le président Chadli est passé de la torpeur à la déprime. Les yeux sont braqués vers le FIS, afin de sonder ses intentions. Mais là, au lieu de rassurer, le FIS inquiète. D’abord, par un extrait décontextualisé qu’un journaliste de l’agence Reuter reprend d’un discours de Mohamed
Saïd tenu à la mosquée de Oued Koreïche. Le journaliste intitule son article, qui va faire le tour des rédactions, « Mohammed Saïd, leader du FIS, demande aux Algériens de changer leurs habitudes vestimentaires et alimentaires ». Le 27 décembre, à la mosquée Essuna de Bab El Oued, Abdelkader Moghni, une jeune étoile
montante du FIS, annonce la création de « tribunaux populaires » pour juger les « corrompus » et les « ennemis de l’islam » (Zerrouki, p. 43). Quelques jours plus tard, Rabah Kébir, n° 2 après Hachani, récidive avec une phrase choc : « ceux qui sont contre le FIS doivent, de deux choses l’une : soit changer de pays, soit changer de peuple ». Enfin, Hachani lui-même dénonce dans un discours tenu le 2 janvier à la mosquée Essuna,
cette « démocratie défendue par l’Occident, qui prétend préserver les libertés, celles des homosexuels, et qui nous a amené le communisme, le marxisme, le capitalisme (…) ». Il ajoute : « Les pharaons ont fait appel aux magiciens pour combattre Moïse et ils ont perdu. Le pouvoir a fait appel aux démocrates et il a perdu. Il n’y a qu’un seul parti en Algérie, c’est le parti de Dieu. » Il définit enfin le combat de son parti : « notre combat est celui de la pureté islamique contre l’impureté démocratique (…) Le FIS ne renoncera pas à son projet de bâtir l’Etat Islamique » (Le Matin et Alger Républicain, 3 et 4 janvier 1992, cités par Zerrouki)
Et en effet, il ne fera pas de compromis. Rabah Kébir, encore lui, déclare : « L’Etat Islamique qui sera instauré en Algérie s’inspirera des expériences de l’Iran, de l’Arabie et du Soudan ». Parallèlement, des rumeurs courent, faisant état de la circulation dans les mosquées de « listes noires » de gens à abattre, parce que réfractaires à l’ordre islamique.
La
riposte des médias sera immédiate. Chadli, qui a révélé au cours d’une
conférence de presse qu’il était prêt à cohabiter avec les islamistes,
est traîné dans la boue. La presse indépendante prend globalement des
positions anti-intégristes. Le camp démocratique réagit d’abord en
dénonçant les nombreuses irrégularités du scrutin. Aït Ahmed, leader du
FFS, qualifie ces élections de « grande
supercherie » (Le Matin du 27-28 déc. 1991). Il dira plus tard que «
les dés étaient pipés » (El Watan, 15 janv. 1995). Il appelle à une
grande manifestation le 2 janvier et ce sera la marche ambiguë du FFS
qui réunira près de 300 milles personnes ! Beaucoup de gens sont venus
manifester pour défendre la démocratie, c'est-à-dire pour s’opposer à
l’Etat Islamique qui menaçait l’Algérie. Surprise : Aït Ahmed tient un
discours dans lequel il appelle à la poursuite du processus électoral
et il met en garde contre la tentation d’avorter les élections ! Il
croyait en effet pouvoir contrer les islamistes avec un score dérisoire
de 7,4 % des voix, soit 25 sièges. Il avait bien entendu passé une
alliance secrète avec l’aile réformatrice du FLN conduite par
Hamrouche. Pourtant, arithmétiquement, quelque soit le calcul envisagé
(que le chef du FFS ne donne pas), même en misant sur les
abstentionnistes, la majorité absolue restera nécessairement islamiste
au deuxième tour. Sans compter que le FLN n’est pas complètement acquis
pour cette alliance, puisqu’à côté de son aile réformatrice, se tient
une aile islamiste, dont Belkhadem est le représentant.
Le gouvernement avait opté pour un scrutin uninominal à deux tours, croyant favoriser le FLN. L’aberration de ce mode de scrutin est la suivante : un parti (le FIS) ayant obtenu seulement le quart des voix accapare les deux tiers de l’Assemblée Nationale ! Les élections n’ont été ni « propres », ni « honnêtes » ! (Khelladi, p. 116). Avec ses 3 millions de voix sur 8 millions de votants, et sur 13 millions d’électeurs, le parti islamiste s’empare du parlement algérien. La réalité du vote est que seulement un quart des Algériens ont voté pour le FIS. La majorité est restée silencieuse !
Les commentateurs sont unanimes : il s’agit d’un vote sanction contre le pouvoir corrompu, plutôt qu’une adhésion passionnée au projet islamiste.
L’une des conséquences les plus paradoxales de ce scrutin sera en effet de diviser durablement les démocrates en deux camps irréconciliables. Car, pendant ce temps là, ce qui est convenu d’appeler la « société civile », formées de cadres, d’intellectuels, de personnalités du monde syndical ou de patriotes, se prépare pour appeler à l’annulation des élections. Abdelhak Benhamouda, patron du puissant syndicat algérien, UGTA, se prononce pour l’arrêt du processus électoral, de même que la féministe Khalida Messaoudi. Un Comité National pour la Sauvegarde de l’Algérie (CNSA) est mis sur place, auquel adhèrent l’UNEP (syndicat des cadres dirigeants des entreprises publiques), l’ANCAP (syndicat des cadres de l’administration), la LADH (Ligue Algérienne des Droits de l’Homme), etc. Au fil des jours, toutes sortes d’organisations hostiles à l’Etat Islamique (ANDPE, CNE, etc.) rejoignent le CNSA. Dés le 28 décembre 1991, celui-ci appelle à l’annulation des élections. A part le FFS et le PT (qui avait soutenu la grève du FIS), la majorité des autres partis démocrates se joignent à lui : Ettahadi de El Hachemi Cherif, le RCD de Saïd Sadi, le MAJD de Kasdi Merbah et le MDRA de Slimane Amirat. Même les partis favorables à la poursuite du processus électoral, connaissent des défections comme celle de Naït Djoudi (FFS).Les démocrates algériens payent cher leur erreur d’avoir accepté (à l’exception d’Ettahadi) de jouer le jeu électoral avec un parti ouvertement anti-démocratique qui promettait d’abolir l’alternance au pouvoir. Les deux camps tombent dans un terrible paradoxe : les uns se retrouvent obligés de renier – contre leurs principes républicains— le choix des urnes qui ont donné le FIS majoritairement gagnant. Les autres, pour être conséquents avec leurs principes républicains, se retrouvent obligés de cautionner un régime islamiste qui jure justement d’abolir ces mêmes principes démocratiques. Les uns s’accrochent à la chimère d’une armée laïque protectrice de la démocratie, alors qu’elle s’avérera être le premier obstacle à la démocratisation[1]. Les autres préfèrent la chimère inverse d’un FIS « modéré », fréquentable et « démocratisable », alors qu’il s’avérera incapable de vraies concessions, théocrate et djihadiste de part en part, malgré ses compromis tactiques. Les deux camps vont goûter à la même amertume, car, quelque soient leurs querelles, le destin de l’Algérie va se jouer sans eux, dans les forteresses du commandement militaire et dans les maquis clandestins.
4) Le « coup d’état constitutionnel » Le 4 janvier, des unités de l’armée prennent position autour de la capitale. Une pétition demandant l’annulation du scrutin circule parmi les officiers supérieurs (Khelladi). Mais dés le 27 décembre, une réunion regroupant Larbi Belkheir, Khaled Nezzar, Ali Haroun et Aboubakr Belkaïd eut lieu au ministère de l’intérieur. On tombait secrètement d’accord sur le principe de l’annulation des élections. Le 29 décembre, une commission composée de militaires et de civils (Haroun, Belkaïd, le général Nezzar et le général Touati) est chargée de trouver une astuce juridique en étudiant la Constitution. Seule possibilité : la démission du président. Ils rédigent un rapport aboutissant à cette conclusion (pousser Chadli à la démission pour annuler les élections) qui souligne en plus le caractère injuste du scrutin, les grands risques sur la démocratie et le multipartisme, la non neutralité des APC (communes) FIS pendant les élections, le monopole injuste de ce parti sur les mosquées.Contacté par Nezzar, Chadli comprend qu’il est lâché par tout le monde. Il s’adresse alors à la nation et annonce sa démission le 11 janvier 1992, après avoir pris le soin de dissoudre l’Assemblée Populaire Nationale. Après son départ, les auteurs du « coup d’état constitutionnel » [2] se trouvent devant un vide juridique : la Constitution algérienne a prévu la mort d’un président
mais pas sa démission ! C’est au Haut Conseil de Sécurité (HCS) de prendre les rennes du pays mais celui-ci est une instance consultative, non habilitée à gouverner ou à prendre des décisions. Alors, ce conseil imagine une solution inédite : il crée une espèce de « présidence collégiale » qu’il appelle Haut Comité d’Etat (HCE). Il propose la présidence de ce comité à Hocine Aït Ahmed d’abord, qui décline l’offre. Ce n’est que par la suite, après bien des tractations, qu’on a fait appel à un homme que les Algériens ont oublié et qui vit exilé depuis près de trois décennies au Maroc, où il dirige une briqueterie : Mohammed Boudiaf.
Après cette annonce, c’est le soulagement qui prévaut chez les démocrates, les syndicalistes et les cadres du CNSA. En revanche, les démocrates du FFS et du PT réagissent énergiquement : il s’agit d’un « coup d’état civilisé » clame le PT de Louiza Hannoune (trotskiste). C’est une « situation de coup d’état » dit Aït Ahmed. « Les portes ont été fermées devant les espoirs et les aspirations du peuple », ajoute-t-il (Le Matin 12-13 janv. 1992). C’est « un coup d’état militaire » s’écrie Ali Yahya Abdennour, président de la LADH (et avocat des leaders du FIS). Quand à Ben Bella, il se « félicite évidemment de cette décision (…) ». Une chose est pourtant sûre : ce coup d’état sonne le glas de la récréation démocratique en Algérie ; même si la presse restera encore relativement indépendante… mais précaire. Désormais, c’est le langage de la poudre et des couteaux…Ce qui prévaut au niveau du FIS, c’est évidemment la frustration. Le rêve de constituer bientôt une république islamique gouvernée par la charia s’écroule. Hachani s’indigne et appelle le peuple à « protéger son choix ». Il dénonce « un complot global qui ouvre la voie à une conspiration contre l’Algérie et le projet islamique ». Il s’agit d’ « un coup d’état contre l’Etat Islamique » (13 janv.)! Le nouveau leader poursuit en réaffirmant la volonté de son parti de concrétiser son projet. Dans ces moments de haute confusion, le FFS a eu la lucidité d’adresser publiquement un appel au FIS pour lui demander de calmer ses militants et d’éviter toute dérive vers la guerre civile. Il tentera (à partir du 16 janv.) de constituer un front des « vainqueurs » (des élections), réunissant le FLN, le FFS et le FIS pour défendre la poursuite du scrutin. Ce sera peine perdue.
Quelques jours plus tard, rentre Boudiaf (16 janvier) qui prend la tête du Haut Comité d’Etat. Le parti islamiste convoque une réunion des élus (du 26 décembre) et menace de constituer un parlement parallèle. A l’issue de cette rencontre, tenue le 18 janvier à la mairie d’Alger, le FIS, incapable de concessions, avoue dans un communiqué son refus de compromis : « Le FIS a épuisé toutes les voies possibles pour sauver le pays de tout dérapage pouvant avoir lieu entre les fils de la nation ».
Les voies du dialogue ont été courtes. Le message est clair, c’est le pouvoir ou le djihad, aux auteurs du « coup d’état » de choisir. Quelques jours plus tard, Hachani adresse une lettre à l’armée dans laquelle il demande aux soldats et aux officiers de désobéir à la « junte » qui défie « la charia, le choix du peuple et la Constitution ». Il est immédiatement arrêté pour « incitation à la mutinerie ».
Au moment de son arrestation, Hachani était déjà dépassé par les évènements. Les islamistes radicaux, qui préparaient leur guérilla depuis la grève insurrectionnelle de mai-juin 1991, sont déjà passés à l’action. Dés le 19 janvier, en effet, un commando prend pour cible une patrouille de gendarmerie à Sidi Moussa (30 kms au Sud d’Alger) à 2h du matin : un gendarme tu et deux blessés. De même qu’à Alger, une voiture roulant à toute vitesse lance un engin explosif sur le siège de la gendarmerie nationale (pas de victimes). Les forces de sécurité sont en alerte. Kébir et Aïssani seront à leur tour arrêtés. Les portes du dialogue sont à leur tour fermées, malgré les timides tentatives de Boudiaf.
Naravas
Bibliographie
citée dans ce texte
- Aoudia Malek, Labat Séverine, Algérie 1988-2000 :
autopsie d’une tragédie, [DVD-ROM], Ed. Compagnie des phares et balises,
2003.
- Khelladi Aïssa, Le Fis à l’assaut du pouvoir,
Alger, Ed. Marsa, 2002, Première édition sous le titre Algérie, les
islamistes à l’assaut du pouvoir, Ed. L’Harmattan, 1995
- Labat Séverine, Les islamistes algériens entre les
urnes et le maquis, Paris, Ed. du Seuil, 1995
- Rachid Mimouni, 1992, De la barbarie en général et
de l'intégrisme en particulier, Belfond-Le Pré aux clercs.
- Zerrouki Hassane, La nébuleuse islamiste en France
et en Algérie, Paris, Ed. Editions 1, 2002
- Confluences n° 25, Printemps 1998, « La parole
aux Algériens : Violence et politique en Algérie », Ed. L’Harmattan (en ligne)
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GLOSSAIRE
« Afghans » Vétérans algériens de la guerre d’Afghanistan. Anciens
volontaires qui sont allés aider les moudjahidines afghans contre le
Tyran soviétique. Après leur retour en Algérie, ils jouissent d’un prestige
incontestable au sein de la mouvance islamiste. Ils formèrent ensuite le noyau
dur de l’islamisme armé.
« Qui tue
qui ? » Nom d’une polémique médiatique
orchestrée par un groupe de pression qui accuse directement ou indirectement les services de sécurité algériens (ou
l’armée algérienne) d’avoir organisé les massacres de civils (Bentalha, Raïs,
Relizane, etc.). Cette polémique a pris un tournant avec la publication de La
sale guerre par un ancien officier de l’armée, Habib Souaïdia. Beaucoup
d’intellectuels et de personnalités algériennes ont pris position pour ou
contre.
ALN Armée de Libération Nationale. Branche armée du FLN entre
1954 et 1962.
ANP Armée Populaire Nationale. Armée algérienne.
ANR Alliance Nationale Républicaine. Parti démocrate fondé par
Rédha Malek en 1998.
APC Assemblée Populaire Communale. Conseil communal en Algérie
présidé par un président qui joue le rôle de maire
APW Assemblée Populaire de Wilaya. Conseil régional en Algérie.
Association des Ulémas
Musulmans Association fondée par Abdelhamid
Ibn Bâdîs, figure du réformisme algérien, dont le but est l’enseignement de la
langue arabe, la défense de « la personnalité musulmane » de
l’Algérie et la lutte contre les « inventions blâmables » (bida’)
de l’islam populaire. L’association n’a jamais revendiqué l’indépendance.
CNSA Comité National pour la Sauvegarde de l’Algérie. Comité
constitué au lendemains de la victoire du FIS aux élections de décembre 1991.
Il appela à l’annulation du processus électoral.
DRS Direction de Renseignements et de
Recherche. Services de renseignements algériens. Ils sont impliqués dans la
lutte « anti-terroriste » (contre les islamistes armés) et accusés
par les organisations humanitaires internationales au minimum de torture et de
transgressions des droits humains, au maximum de massacres de civils. Ils se
sont pris dans la tourmente du « Qui-tue-qui ».
FFS Front des Forces Socialistes. Parti démocrate. Le plus
ancien des partis d’opposition algériens. Fondé par Hocine Aït Ahmed, leader de
la Révolution algérienne d’origine kabyle. Le FFS vécut dans la clandestinité
et l’exil, tout comme son chef jusqu’au 1988. Après le retour en Algérie d’Aït
Ahmed en 1989, le parti s’oppose à l’arrêt du processus électoral et prend
position dans la polémique du « Qui tue qui ? » en accusant
l’armée. Il dénonce la constitution de « milices » et l’armement de
civils (pour contrer les islamistes armés). Il s’insurge contre le
« pardon » de Boutéflika et dénonce une « auto-amnestie ».
FLN Front de Libération Nationale. Parti nationaliste algérien
ayant conduit la guerre de libération nationale de 1954 à 1962. Après
l’indépendance, il se transforme en parti unique et engage l’Algérie dans le
socialisme. Il devient le symbole du « système », c’à d du pouvoir en
général.
HCE Haut Comité d’Etat. Instance collective mise en place après
la démission de Chadli pour assurer la présidence de l’Algérie. Elle a dirigé
le pays jusqu’à l’élection de Liamine Zeroual comme président.
Hidjra wa takfîr (Exil et
Excommunication) Secte ou mouvance islamiste radicale
fondée par Choukri Mustapha en 1969 en Egypte. Elle se propage de nos jours
parmi les « Arabes Afghans » à
travers le monde musulman. Dans sa vision, la société où vit ce groupe est
considérée comme corrompue, impie et païenne, c’est pourquoi il
préconise l’Exil vers des lieux inhabités pour former une communauté
« authentiquement musulmane ». Son idéologie extrémiste légitime
l’exécution d’autres musulmans après avoir décrété leur « mécréance »
ou leur impiété. Les auteurs des massacres de civils sont réputés appartenir à
cette mouvance.
LADH Ligue Algérienne des Droits de l’Homme.
Majliss Echoura Conseil Consultatif. C’est la plus haute instance du Front
Islamique du Salut. Les leaders Madani et Benhadj ne sont théoriquement que les
porte-paroles de cette instance, à laquelle revient le pouvoir de prendre
toutes les décisions.
MCB Mouvement Culturel Berbère. Mouvement ayant porté pendant très longtemps la revendication
culturelle et linguistique kabyle (reconnaissance de la langue kabyle, etc.).
La réapparition sur la scène politique algérienne du FFS et la naissance du
RCD, tous deux partis démocrates à fortes assises sociales kabyles, a relégué
le MCB au second plan, pour ne pas dire qu’il est évincé par eux.
MIA Il y’en a deux. Le premier Mouvement Islamique Armé est
fondé par l’islamiste Mustapha Bouyali qui a proclamé le djihad contre
l’Etat Algérien entre 1982 et 1987. Le second est une recréation du premier en
1992 par des rescapés du mouvement de Bouyali. Son chef était Mansouri Méliani.
MSP, ancien
Hamas Mouvement de la Société pour la
Paix. Association devenue parti politique islamiste. Fondé par le leader des frères musulmans
algériens Mahfoudh Nahnah. Le MSP se pose comme un concurrent du FIS même s’il se distingue de lui par une position plus
internationaliste (favorable à l’ouma plutôt qu’à la nation algérienne)
et par un refus de la violence armée. Le MSP participera au gouvernement.
PAGS, Ettahadi, MDS Parti de l’avant-garde socialiste, Mouvement Démocratique et
Social. Partis démocrates. Tous ces sigles sont la transformation d’un seul
parti, celui de feu Al Hachemi Cherif. D’abord communiste, le PAGS est le seul
parti à dénoncer la « supercherie » des élections de 1991. Il prend
position pour l’arrêt du processus électoral et contre les islamistes (pendant
et après le « qui-tue-qui ». Il dénonce le pouvoir et le FIS comme
étant les deux faces d’une même médaille.
PT Parti des Travailleurs. Fondé par Louisa Hannoune en 1990.
Ce parti soutint la grève insurrectionnelle du FIS et adopta les mêmes
positions (ou presque) que le FFS dans la polémique du « qyu tue
qui ? ».
RCD Rassemblement pour la Culture et la Démocratie. Parti
démocrate. Fondé par en 1989 par un psychiatre de Tizi-Ouzou, Saïd Sadi, issu
du Mouvement Culturel Berbère. Il milite autant pour la démocratie que pour la
laïcité et la reconnaissance des cultures populaires. Il appelle à
l’interruption du processus électoral en 1991, prend position contre les « qui
tue quistes » en accusant les
islamistes de l’ensemble les massacres. Il appelle à la constitution de
« groupes d’auto-défense » armés par l’Etat pour résister aux
incursions des islamistes armés. Il participe à l’élection présidentielle de Zeroual et s’insurge contre le
« pardon » de Bouteflika.
Taghout Tyran.
Figure qui symbolise pour les islamistes le pouvoir, impie, puissant, injuste
et persécuteur. L’exemple coranique par excellence est le Pharaon.
UGTA Union Générale des Travailleurs
Algériens. Puissante centrale syndicale algérienne. Malgré son ralliement sur
les positions politiques du pouvoir, ce syndicat jouit d’un prestige au sein de
la population active, sans parce qu’il a longtemps porté les revendications
économiques du salariat.
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NOTES :
[1] De plus, la vision qui voit en l’Armée une protectrice (à la turque) de la laïcité est totalement erronée, vu qu’il n’y a pas de « culture kémaliste » dans le nationalisme algérien (alors qu’il y a bien une culture « bâdissienne »), et vu qu’une bonne partie des Généraux sont des Hadjs.
[2] Cette expression de « coup d’état constitutionnel » a l’avantage de synthétiser deux positions politiques : celle qui interprète le processus de mise en place du HCE comme un « coup d’état » et celle qui y voit une démarche légitime rendue nécessaire par la démission de Chadli.