Jan Švankmajer : exploration mouvementée de la vie de certains désirs
Jan Švankmajer,
exploration mouvementée de la vie de certains désirs
Le film du réalisateur tchèque Jan Švankmajer, Les conspirateurs du plaisir (1996,
1h15) est le plus beau film que
j'ai vu depuis deux ans. Il est bien entendu difficile à raconter, sans doute
parce que le côté narratif ne prime pas et parce que l’essentiel est plutôt livré
dans les brèches qui donnent à voir la vie intérieure et complexe des
personnages, comme pour explorer ce qu’il y a de plus étonnant dans l’imperfection
humaine contemporaine.
Il s'agit d'une exploration sans parole (le film n'est pas
muet puisque les bruits et les musiques sont là) des styles de vie érotique de
six personnages, de condition différente, mais vivant tous dans le monde
moderne d'après la révolution de velours de 1989. La divulgation au compte
goutte de l'intimité la plus profonde de chacun d'eux crée un suspens irrésistible.
La quête du plaisir est représentée par une série d’actions concrète qui s’apparentent
à un bricolage dont on ne comprend d’abord pas les tenants et les aboutissants.
Chacun des personnages est en effet en quête de divers objets matériels qu’il
se procure de toutes les manières possibles et qu’il assemble à sa guise. Au
terme d’un travail manuel méticuleux, les différents objets se révèlent être
des « machine à plaisir » dont l’utilisation, dans un délire
surréaliste, traduit l’épaisseur d’une vie intérieure riche en manies et en
fantasmes. Si dans tout cela rien ne transparaît
qui soit racontable, c'est parce que justement, pour l'une des rares fois, le
langage de l'image est porté à son point culminant, ce qui le rend peu
traduisible en mots.
Cette œuvre évoque pour moi la corruption de la vraie
communication entre les êtres que les moyens techniques de la civilisation
capitaliste ont induite. Plus que l'illustration de recherches artistiques ou
d'une sensibilité surréaliste, ce film met en scène l'extraordinaire gâchis du
plaisir humain au sein de la broyeuse machine économique moderne.
Filmographie
Parmi ses réalisations, on peut citer :
- Les Fous, 2005, — 118 mn
- Little Otik , 2000 — 125 mn
- Les Conspirateurs du plaisir, 1996 — 75 mn
- La Leçon Faust ,1994 — 95 mn
- La Fin du stalinisme en Bohême, 1990 — 14 mn
- Obscurité, Lumière, Obscurité ,1989 — 8 mn
- Jeux virils, 1988 — 12 mn
- Alice, 1988, — 84 mn
- Possibilités du dialogue, 1982 — 12 mn
- Don Juan, 1970 — 31 mn
- Et caeterea, 1966 — 8 mn