L'historien Mohammed Harbi et les islamistes
L'historien Mohammed Harbi et les islamistes
Après celles de Mimouni, Saïd, Naïr, Allouache, Sansal, Laroui, etc., (exposées sur ce blog), voici les positions de Mohammed Harbi, historien qui n'est plus à présenter, sur l'islamisme (l'intégrisme musulman) et les islamistes. Les opinions de l'historien ont le mérite d'être claires. Avis aux sympathisants de gauche et aux Beurs tentés par le charme contestataire de Hassan El Banna.
L’islamisme comme réaction à la modernité
« Si le langage religieux apparaît comme le principal
véhicule de la contestation, les responsabilités en incombent aux élites
modernes formées dans le sillage de la colonisation. » (p. 4)
« Et si l’on veut comprendre le développement du
racisme anti-féminin chez les islamistes, il est moins nécessaire de se référer
au Coran qu’à ce phénomène nouveau qu’est l’emploi des femmes. » (p. 4)
De la responsabilité de l’état national
Dans les pays islamistes, ni le haut, ni le bas de la
société n’ont jamais connu la liberté. Les Etats méprisent le droit et érigent
l’arbitraire en norme. La responsabilité des régimes en place est à cet égard
écrasante » (p. 6)
L’islamisme comme fascisme
« Evoquant le cas algérien assimilable par bien des
aspects à ceux de l’Iran et du Soudan, Samir Naïr a qualifié à juste titre de « réaction
de type autoritaire et néofasciste, « parce que s’appuyant sur la grande
masse des déclassés et des sans-statut », il vise à un contrôle
idéologique et surtout moral de la société », et à intimider ses
adversaires par une intervention coercitive directe.» (p. 5)
« L’exemple de l’Iran est significatif de ce point de
vue. L’Etat clérical prive les citoyens de toute possibilité de choix au nom d’une
vérité qui se veut unique. Le spectre du despotisme hante à nouveau les
esprits. » (p. 5)
Les musulmans de France et l'islamisme
« [suite du passage précédent] Gardons-nous cependant
d’unifier arbitrairement les islamistes et d’en faire les acteurs d’un complot
orchestré. Les sociétés sont diverses et l’islamisme n’a pas partout la même
fonction. Par exemple, l’existence de l’islamisme en France renvoie à une crise
identitaire d’une autre nature. Les citoyens français de confession musulmane
ont à tort ou à raison le sentiment d’être exclus de la citoyenneté. A ce
sentiment qui est récent, ils protestent en revendiquant une autre identité et
une autre appartenance » (p. 5)
Des « chercheurs » sympathisants de l’intégrisme
islamiste
« [Les idéologues de l’islamisme], à la différence des
grands réformateurs (Al Afghânî, Abduh) ne veulent aucun compromis avec le
monde existant. Mais le refuge dans l’imaginaire conforté par une mythologie
qui échappe encore à la pensée critique, l’utilisation tous azimut d’une
idéologie sécuritaire leur tient lieu de programme. L’exhortation morale n’est
pas un remède aux maux de la société. Pourtant, le parfum de l’encens semble
embrumer le cerveau de certains chercheurs (cf. la critique de l’ouvrage d’Olivier
Carré sur les Frères musulmans) » [on peut bien entendu rajouter à ces « chercheurs »
qui épousent les idées de leur objet d’étude : François Burgat, Vincent Geisser et d’autres] (p. 5)
Du double langage des islamistes
« Mais leur démarche [des islamistes] procède aussi d’un
souci tactique et utilise le double langage. […] Tout semble indiquer que les
opposants islamistes reproduiront, demain, les méthodes qu’ils condamnent
aujourd’hui. Leur silence sur les atrocités en Iran, au Pakistan et au Soudan comme sur la persécution des bahaïs
ne laisse planer ce sujet aucun doute sur le respect de l’autre. » (p. 6)
Du devoir de vérité
« Il arrive que le discours islamiste nous choque et
nous indigne […], mais nous ne voulons ni l’ignorer, ni le censurer. Que tout
le monde sache et que personne ne puisse dire un jour : « Je ne
savais pas », « on déforme le visage de ma communauté » »
(p. 6)
De la laïcité et de la séparation des sphères religieuse et
politique
« Que l’homme politique se fasse théologien ou le
religieux homme politique, la démarche reste la même. Au bout du chemin, il y a
le monopole de la vérité, l’oppression et la répression. Il n’est qu’une
manière de rompre ce cercle vicieux, c’est la séparation de la sphère politique
et de la sphère religieuse, l’acceptation du pluralisme et de la liberté
inaliénable de l’individu. L’institution de la laïcité n’oblige pas les
croyants à renoncer à leur foi, et fait des citoyens d’un même pays (musulmans,
juifs, chrétiens…) des êtres égaux. Fermer la voie à cette éventualité, c’est
mettre en danger l’existence de nombre de pays arabes et musulmans et les
condamner à des déchirements et des luttes civiles (…) » (p. 7)
De la pauvreté d’esprit ou de la misère intellectuelle de l’islamisme
« L’islamisme n’est pas un. Mais les mouvements
islamistes ont un trait commun : l’indigence de la pensée. Leur popularité
tient moins au rayonnement de leurs idées qu’à la volonté des classes
populaires d’abolir les conditions inhumaines qui leur sont faites. Loin de
représenter un quelconque renouveau de la religion musulmane en tant que telle,
l’islamisme exprime le désarroi des générations nouvelles, des étudiants et des
marginaux qui désespèrent de l’avenir. Il reste un puissant facteur de déstabilisation
mais rien n’indique qu’il est porteur d’un projet de société crédible. »
(p. 7)
Où l’historien s’engage
« Autant nous pouvons dialoguer et lutter avec les
croyants qui acceptent le principe de la liberté de croyance et combattent ceux
qui ne le reconnaissent pas, en dénonçant, au premier lieu, les crimes commis
aujourd’hui au nom de l’islam, autant nous nous opposerons à tous ceux qui,
armés de l’épée de Dieu, rêvent de renouveler le despotisme et de régenter tous
les détails de notre vie » (p. 7)
Extraits de Mohammed Harbi, L'islamisme dans tous ses états, Paris,
Editions Arcantères, 1991.
Naravas