Mœurs et coutumes des « Afghans »
Moeurs et coutumes des « Afghans »
Ils étaient près de 1000 « Algériens Afghans » à revenir au pays après leur participation à la guerre contre les Russes en Afghanistan. Rôdés à la lutte armée, disposant d’une expérience militaire de plusieurs années, imbus d’idéologie islamiste, ces vétérans gravitèrent d’abord autour du FIS, le parti islamiste algérien, dont ils constituaient la milice, avant de désavouer sa stratégie légaliste. L’insurrection réprimée de juin 1991 les conforta dans leur choix djihadiste. Ils se lancèrent dans la préparation du djihad et furent à l’origine des premiers groupes armés. De l’attaque de Guemmar à la fondation du GIA, Groupe Islamique Armé, ils étaient de tous les combats. Leur objectif premier, abattre le Taghout (le Tyran, c-à-d le pouvoir) et ses « soutiens », fusse-t-il au prix d’un chaos fait de destructions accumulées, de massacres de civils, de sang d’innocents et de feu. Ils furent le noyau le plus irréductible du groupe le plus extrémiste. Voici comment les décrit la Confession d’un émir du GIA
« Les Afghans n’avaient qu’un sujet de discussion : leur guerre contre les Russes. En dehors de ça, ils ne connaissaient rien de la vie. […]. [Ils] vivaient en groupe et parlaient en pachtoun. Mais j’avais plus confiance en eux que dans les Algériens. L’Afghan ne trahit pas. On peut lui tourner le dos et marcher devant lui sans crainte. Il ne tue jamais par derrière. Mais ce sont des gens compliqués, qui suivent des règles et un code de conduite particuliers. Ils n’avaient que le mot guerre à la bouche. La vie ne les intéressait pas mais je préférais les avoir à mes côtés en cas de coup dur. » (p. 153)« Les Afghans adressaient à peine la parole [à l’émir]. De toute manière, ils préféraient discuter entre eux. En leur présence, il vallait mieux éviter de prononcer les noms de Madani et Benhadj. Pas plus qu’il ne fallait évoquer le futur état islamique. Eux se battaient pour l’instauration d’un califat comme à l’époque qui suivit la mort du Prophète. […] Pour ma part, je n’étais pas en faveur du Califat mais je restais opposé à Ali Benhadj et Abassi Madani. J’étais d’accord avec le GIA quand il prônait l’assassinat de ces deux traîtres. Ils finiront d’ailleurs par les tuer un jour ou l’autre. » (p. 161)« Comme à leur habitude, les Afghans étaient installés à part. Leur tente était une saleté repoussante. Ils se préoccupaient encore moins de l’hygiène que nous. Ils jetaient leurs ditritus à côté de leurs couvertures sans se préoccuper des odeurs qui pouvaient s’en dégager » (p. 191)« Maintenant que je pouvais compter sur Benchiha, je voyais l’avenir avec confiance. Benchiha était un grand émir du GIA et régnait en maître sur la région. Il avait sous ses ordres un groupe de Katibat al Ahwal [brigade des Horreurs] constitué des Afghans les plus féroces.Katibat al Ahwal était présent[e] dans toute l’Algérie. Ce sont des tueurs professionnels, capables des pires massacres. L’un d’eux m’avait annoncé qu’à la fin de la guerre sainte en Algérie, il irait au Maroc ou en Tunisie. « Que vas-tu faire là-bas ? » lui avais-je demandé ? « Je vais tuer », avait-il répondu. Il n’avait pas l’intention de s’établir quelque part, ni de fonder un foyer. « Dans chaque pays où je passe, je prends une femme et cela me suffit. » Travailler ? Cette idée ne lui était jamais venue à l’esprit. Il ne pensait qu’à la guerre. « Dans une attaque, si l’émir ne te donne pas l’ordre de reculer, il faut rester, quitte à t’attacher une jambe à un arbre pour ne pas tenter de fuir. Si on désobéit et qu’on est tué, on meurt kafir, en infidèle » (p. 147)
Forestier Patrick, Confession d’un émir du GIA, en collaboration
avec Ahmed Salam, Paris, Grasset, 1999.
Naravas